Vous sentez-vous européen ?
- cjuem2nantes
- 27 nov. 2018
- 4 min de lecture
Par Anaïs Demaille
Plus de soixante ans après le début de la construction communautaire, qu’en est-il du sentiment d’appartenance des citoyens à l’Union européenne ? Est-on parvenu à « une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens » visée dans le préambule du Traité sur l’Union ?
Aujourd'hui, répondre positivement à de telles questions devient de plus en plus difficile. Au-delà de la crise économique et financière ou encore de la « crise » migratoire, l’euroscepticisme semble être la crise la plus intense que l’Union européenne ait connu. En sont pour preuves la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne et la montée des partis politiques eurosceptiques dans les différents Etats membres de l’Union européenne.
Mathis Commère et Marius Girard-Bardot ont tous les deux vécu une année marquante à cet égard. Tous deux étudiants en droit, ils ont bénéficié du programme Erasmus + : l’un pour vivre au Royaume-Uni au lendemain du Brexit, l’autre pour aller en Pologne après l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement très critiqué au sein de l’Union européenne.
Forts de ces expériences, et les élections des députés du Parlement européen approchant, les deux étudiants se sont questionnés sur l’identité européenne au sein du Vieux continent. Une importante identité européenne pourrait être vectrice d’un sentiment d’appartenance, particulièrement pour les citoyens européens. Leur est venue l’idée d’aller directement au devant des européens (pris au sens géographique) pour en discuter avec eux.
Alors ils ont créé leur association « Debate beyond borders », ont recruté trois personnes pour les aider à coordonner le projet et à gérer les réseaux sociaux, et après être parvenus à financer le projet via un financement participatif, leurs économies et les subventions publiques, ils sont partis sur les routes.
Cela fait maintenant trois mois que les deux compères parcourent l’Europe à la rencontre des citoyens afin de discuter, d’échanger, de partager avec eux et de contribuer ainsi au débat démocratique en Europe. Ils ont commencé par l’Italie, ou plutôt la Sicile, lieu de pression migratoire. Pourtant ils ramènent les témoignages de citoyens solidaires, prêts à accueillir les migrants et naufragés. Les voyages s’enchainent et les témoignages aussi, ils en font une chronique régulièrement sur leur page internet. Ils ne s’arrêtent pas aux frontières de l’Union européenne mais font le choix de parcourir la République de Macédoine du Nord, candidat à l’adhésion à l’Union européenne ainsi que la Turquie, partenaire proche de l’Union européenne. Affirmant leur neutralité et surtout leur absence de préjugés, ils s’immiscent au cœur des familles afin de mieux saisir leurs sentiments à propos de l’Europe mais également à propos de leurs concitoyens et voisins européens. Peu importe ce qu’il se dit sur l’Etat en question dans nos médias français, ils veulent savoir ce que pensent réellement la population, ce que l’Europe représente pour eux.
Quels sont les témoignages que Marius et Mathis rapportent ? Peut-on parler d’une identité européenne ? Y a-t-il un sentiment d’appartenance européen ?
Depuis les prémices de la construction européenne, on a l’idée de bâtir l’Europe de la culture. On souhaite montrer aux populations qu’ils partagent un fond commun pour susciter un sentiment d’appartenance qui sera vecteur de cohésion. Cette volonté n’est traduite réellement qu’à partir de 1992, date depuis laquelle « L'Union contribue à l'épanouissement des cultures des États membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale, tout en mettant en évidence l'héritage culturel commun » (1992, Traité de Maastricht – aujourd'hui article 167 du TFUE).
Egalement, pour susciter une identité européenne, les institutions de l’UE ont pensé à la mise en place de symboles (officieux) : le drapeau, l’hymne européen (prélude de l’Ode à la joie de Beethoven), la devise (« Unie dans la diversité »), la journée de l’Europe le 9 mai...
En bref, on cherche à fédérer. Ces actions sont-elles efficaces ?
Les éléments de réponse concrets arriveront en avril avec leur rapport sur l’identité européenne. En attendant ce rapport, ils donnent leurs impressions : « D’un côté il y a des personnes qui sont très attachées au local. Donc pour eux la question de l’identité européenne ne se pose pas puisque même la question de l’identité nationale est compliquée. C’est notamment le cas dans le sud de l’Europe, en Italie. (…) D’un autre côté on a une génération de jeunes Erasmus pro-européenne qui voit l’Europe concrètement, qui profitent de cette Europe. Mais on se rend bien compte que ce n’est qu’une petite bulle, une minorité. »
Le programme Erasmus + (ou programme de l'Union pour l'éducation, la formation, la jeunesse et le sport régi par le règlement n°1288/2013) parviendrait à remplir les objectifs de l’Europe de la culture. Si cette « victoire » pour l’identité européenne est louable, elle reste très circonstanciée à une certaine catégorie de personnes, principalement des étudiants de l’enseignement supérieur.
Ces interrogations pourraient sembler revêtir une faible importance. Pourtant tandis que les citoyens de l’Union européenne vont être amenés à voter pour élire leurs représentants au sein du Parlement européen, un faible sentiment d’appartenance à l’UE risque d’être problématique…






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